Louis ARAGON - Poème autographe signé - Zone libre.

« Mon amour j’étais dans tes bras / Au-dehors quelqu’un murmura / Une vieille chanson de France / Mon mal enfin s’est reconnu / Et son refrain comme un pied nu / Troubla l’eau verte du silence. »

9.500

Louis ARAGON (1897-1982)

Poème autographe signé – Zone libre.

Deux pages in-4°. [Paris]. 25 janvier [1945]

 

Extraordinaire et émouvante copie manuscrite de ce poème octosyllabique composé à Carcassonne en septembre 1940, Zone libre, puis publié dans le recueil Le Crève-cœur. L’ouvrage publié chez Gallimard, en 1941, se compose de vingt-deux poèmes et de l’essai La Rime en 1940 écrits par Aragon entre octobre 1939 et octobre 1940.

Le poème, poignant, témoigne du génie poétique d’Aragon à mêler la douceur mélancolique des amours perdues aux sentiments de désespoir des années de guerre. Cris de l’âme pour la patrie, les vers du poète demeurent les plus prodigieux de ces heures sombres.

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Zone libre

 

Fading de la tristesse oubli

Le bruit du cœur brisé faiblit

Et la cendre blanchit la braise

J’ai bu l’été comme un vin doux

J’ai rêvé pendant ce mois d’août

Dans un château rose en Corrèze

 

Qu’était-ce qui faisait soudain

Un sanglot lourd dans le jardin

Un sourd reproche dans la brise

Ah ne m’éveillez pas trop tôt

Rien qu’un instant de bel canto

Le désespoir démobilise

 

Il m’avait un instant semblé

Entendre au milieu des blés

Confusément le bruit des armes

D’où me venait ce grand chagrin

Ni l’œillet ni le romarin

N’ont gardé le parfum des larmes

 

J’ai perdu je ne sais comment

Le noir secret de mon tourment

À mon tour l’ombre se démembre

Je cherchais à n’en plus finir

Cette douleur sans souvenir

Quand parut l’aube de septembre

 

Mon amour j’étais dans tes bras

Au-dehors quelqu’un murmura

Une vieille chanson de France

Mon mal enfin s’est reconnu

Et son refrain comme un pied nu

Troubla l’eau verte du silence

 

Aragon.

Le poète Aragon

Septembre 1940.

 

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Au verso du poème, cette lettre explicative, datée du 25 janvier 1945, au sein de laquelle Aragon évoque son pseudonyme de clandestinité, François la Colère, et ses œuvres de guerre, telles le mythique recueil de La Diane française :

Cher Monsieur, Je trouve votre mot à mon retour à Paris. Je vous envoie la petite plaquette parue dans l’illégalité sous la signature François La Colère. Vous y trouverez la « Ballade de celui qui chanta dans les supplices », le « Prélude à la Diane française » qui ont été lus, entre autres, à la Comédie française. Je vous recopie (au dos) le poème que vous me demandez. J’espère que vous aurez ainsi ce qu’il vous fallait, et vous remercie de perdre votre temps pour moi. Très sympathiquement, Aragon.

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La déroute Française face à l’Allemagne nazie conduit Aragon jusqu’à Périgueux. Capturé, il parvient à s’échapper, se réfugie en zone libre et rencontre Pierre Seghers (1940) puis Henri Matisse (1941). Il s’engage en politique et participe à la Résistance en créant avec Elsa Triolet le Comité national des écrivains pour la zone Sud et le journal La Drôme en armes. Il s’engage également par ses poèmes, publiés dans la clandestinité, dans lesquels l’amour de la femme (Les Yeux d’Elsa, 1942) rejoint l’amour de la patrie (Le Musée Grévin, 1943 ; La Rose et le Réséda, 1944 ; Il n’y a pas d’amour heureux).

 

 

 

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