Sir John Gardner WILKINSON (1797.1875)

Lettre autographe signée à l’égyptologue Émile Prisse d’Avesnes.

Trois pages in-8°, en anglais, illustrées de hiéroglyphes.

[Londres] 11 novembre 1842.

 

« I send you the hieroglyphics of a fragment at Tel-el-Amarna of a piece of pottery I found there. »

Fascinante lettre illustrée du père de l’Égyptologie britannique illustrant ses découvertes à son confrère français, Prisse d’Avesnes. Wilkinson esquisse une scène classique d’adoration de l’époque amarnienne et du règne d’Akhénaton. Le mythique pharaon, instigateur du monothéisme en Egypte, est ici représenté baigné par les rayons bienfaiteurs du disque solaire Aton.

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Version originale :

 

My dear Sir, I send you the hieroglyphics of a fragment at Tel-el-Amarna of a piece of pottery I found there.

Names at Isbayda near Shekh Said said opposite Mellawi

[Hieroglyph] together

On small statue at Vatican – Rome [H]

In Ashmolean Museum Oxford [H]

[H] Seal of Mr Millingen

British Museum [H]

[H] British Museum.

[H] British Mus.

[H] Kosseir Road

[H] Br. Museum.

[H] British Mus.

At Paris painted by Col[one]l Felix [H]

[H] Papyrus of Janni

Here are the instances from new find, & I think I gave you these last when in Cairo. If I find others I will send them to you. I hope you have received the seal, for the association but Mr. Johnston will not perhaps go direct to Egypt & probably not be there till December. I hope the society is going on well. As yet I have been too much employed & have been unable to look out on for any thing that may be [of] use to it, but will do so when I return to town in Spring. I hope you received a copy of my extracts from Alexandria. I think I sent one. Pray let me know. Remember me very kindly to Dr Abbott and accept my best wishes for the success of your valuable labours. With which I am yours very truly. Gardner Wilkinson.

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Version française :

 

Mon cher Monsieur, je vous envoie les hiéroglyphes d’un fragment à Tel-el-Amarna d’un morceau de poterie que j’y ai trouvé.

Noms à Isbayda près de Shekh Said en face de Mellawi

[Hiéroglyphes] ensemble

Sur petite statue au Vatican – Rome [H]

Au Ashmolean Museum d’Oxford [H]

[H] Sceau de M. Millingen

British Museum [H]

[H] British Museum

[H] British Mus.

[H] Kosseir Road

[H] Br. Museum.

[H] British Mus.

À Paris peint par le Col[one]l Félix [H]

[H] Papyrus de Janni

Voici les exemples de nouvelles découvertes, et je pense vous les avoir donnés la dernière fois au Caire. Si j’en trouve d’autres, je vous les enverrai. J’espère que vous avez reçu le sceau pour l’association mais M. Johnston n’ira peut-être pas directement en Égypte et n’y sera probablement pas avant décembre. J’espère que la société va bien. Jusqu’à présent, j’ai été trop occupé et je n’ai pas pu veiller à quoi que ce soit qui puisse lui être utile, mais je le ferai à mon retour en ville au printemps. J’espère que vous avez reçu une copie de mes extraits d’Alexandrie. Je pense en avoir envoyé un. Je vous prie de me le faire savoir. Rappelez mes meilleurs sentiments auprès du Dr Abbott et acceptez mes meilleurs vœux pour le succès de vos précieux travaux. Avec lequel je suis vraiment à vous. Gardner Wilkinson.

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Arrivé en Égypte en 1821, à l’âge de 24 ans, John Gardner Wilkinson parcourt le pays pendant 12 ans, effectuant de nombreux relevés hiéroglyphiques des monuments et tombes explorés. En août 1822, il rencontre, à Akhmîm, en Moyenne Égypte, un autre explorateur, Frédéric Cailliaud (1787.1869), venu comme lui, sur site, recopier des inscriptions hiéroglyphiques. A l’instar Cailliaud, Wilkinson copie la Table royale d’Abydos.

En 1824, Wilkinson devient le premier explorateur à visiter les tombes de notables de la partie nord du site d’Amarna, ancienne capitale fondée par le pharaon Akhenaton.

Le dessin porté sur la première page de la lettre représente une scène classique d’adoration de l’époque amarnienne – c’est-à-dire du règne d’Akhénaton. Le décor montre ce dernier baigné par les rayons bienfaiteurs du disque solaire Aton. Malheureusement, Wilkinson ne donne ici aucun détail quant à la situation exacte du décor qui reste à ce jour inconnu des égyptologues.

Bien que Wilkinson ait reproduit ce même dessin d’Akhenaton dans son ouvrage publié en 1843 : Modern Egypt and Thebes : being a description of Egypt, including information required for travellers in that country (page 73), le décor originel n’a jamais été retrouvé. D’évidence, celui-ci fut détruit – comme de nombreux autres vestiges présents dans la capitale amarnienne – par les déprédations des voyageurs, touristes et autres marchands d’histoire.

Le dessin fait par Wilkinson constitue une des rares représentations montrant le roi Akhénaton portant la couronne Atef. Un seul autre fragment représentant le roi avec cette couronne est connu à ce jour : celui du Metropolitan Museum of Art de New York.

 

Rentré en Angleterre en 1833 pour des raisons de santé, Wilkinson retourne en Égypte en 1842 pour quelques mois et réalise de nouvelles prospections. À cette même date, un autre explorateur – égyptologue est présent sur les terres des pharaons : Émile Prisse d’Avesnes (1807-1879). De 1836 à 1844, ce dernier parcourt l’Égypte. Dans ses carnets de voyage, il note, relève et dessine les monuments antiques parvenant ainsi à accumuler une documentation considérable qui donnera lieu, en 1848, à la publication de son ouvrage : Monuments égyptiens, bas-reliefs, peintures, inscriptions etc. d’après les dessins exécutés sur les lieux.

En 1842, Prisse d’Avesnes crée au Caire avec le docteur Abbott, un égyptologue collectionneur, une société littéraire, une bibliothèque et un centre de relations scientifiques : l’Association Littéraire d’Égypte. Prisse d’Avesnes en est le vice-président ; Abbott, le secrétaire. Un an après sa création, cette association compte plus d’une centaine de membres dont Champollion-Figeac (frère aîné du déchiffreur) et John Gardner Wilkinson.

Cette lettre – inédite – de Wilkinson à Prisse d’Avesnes démontre que les deux égyptologues se connaissaient et s’échangeaient des informations avec régularité.

Au-delà des éléments provenant d’Amarna, Wilkinson envoie à son confrère de nombreux relevés de noms royaux. L’envoi de ces noms royaux est peut-être à mettre en relation avec le projet de démontage de la chambre des ancêtres de Karnak par Prisse d’Avesnes qui débute au printemps 1843 (cf. Karine Madrigal et Jean-Claude Goyon, La chambre des ancêtres du temple d’Amon-Rê à Karnak, Lettres inédites d’Émile Prisse d’Avesnes à Jacques-Joseph Champollion-Figeac, Éditions Khéops, 2016).

Les noms royaux envoyés par Wilkinson ont été relevés sur des objets provenant des collections du musée du Louvre, du British Museum ou encore de l’Ashmolean Museum d’Oxford, et du musée du Vatican. D’autres proviennent de relevés faits sur place sur des monuments égyptiens : par exemple, sur le site de Kossayr Road, où Wilkinson fait le relevé de cartouches du roi Djedkarê – Isesi, pharaon de l’Ancien Empire. L’égyptologue a probablement relevé ces cartouches dans la nécropole des hauts dignitaires enterrés au cours de l’Ancien Empire.

De même, plusieurs cartouches relevés sur le site « d’Isabayda près de Sekh Said en face de Mellawi » sont transmis par Wilkinson à Prisse d’Avesnes. Ceux-ci seront également reproduits dans son ouvrage Modern Egypt and Thebes (pages 70-71) ainsi que dans les papiers de Nestor l’Hôte – l’un des compagnons de Champollion lors du voyage en Égypte de 1828-29 (BnF, NAF 20396, folio 272 v).

Notons que, le 27 mai 1843, Prisse d’Avesnes envoie une lettre à Jacques-Joseph Champollion-Figeac au sein de laquelle il reproduit ces mêmes hiéroglyphes qui apparaissent en réalité sur le jambage d’une porte de la tombe de Mererou Bebi à Cheikh Saïd. Il s’agit des cartouches du roi Ouserkaf du début de la 5ème dynastie.

Wilkinson mentionne également un « sceau de Millingen ». Il fait ici référence au collectionneur James Millingen (1774-1845) (cf. Le Bars-Tosi, Florence, « James Millingen, le Nestor de l’archéologie moderne », dans M. Royo et alii (dir.), Du voyage savant aux territoires de l’archéologie, actes de colloque INHA/Université de Tours [Paris, juin 2010], Paris, De Boccard, 2012, p. 171-186.).

Enfin, Wilkinson fait parvenir à Prisse d’Avesnes des copies de cartouches de rois réalisées par le major général Orlando Félix (1790-1860) à Paris. Orlando Félix, voyageur et égyptologue, avait aussi travaillé sur les dynasties égyptiennes.

Pour les cartouches provenant du musée du Vatican, on remarque celui de Ramsès tout à gauche.

 

 

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