Paul ÉLUARD rédige la préface de sa première anthologie poétique. 1947.

« Je ne m’aime pas, j’aime mes amours ; je ne les impose pas mais je les défends. »

2.800

Paul ÉLUARD (1895.1952)

Manuscrit autographe signé.

Une page in folio sur papier à carreaux. Slnd [1947]

 

« Je ne m’aime pas, j’aime mes amours ; je ne les impose pas mais je les défends. »

Superbe manuscrit, en premier jet, constituant la préface de la première anthologie poétique publiée par Éluard en 1947 aux éditions Sagittaire : Le meilleur choix de poèmes est celui que l’on fait pour soi – 1818-1918.

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A mes amis

Êtes-vous tous là ? N’êtes-vous pas moins nombreux que je le suppose, amis passés, présents, futurs, égoïstes ou généreux, justes ou injustes, ardents ou dénués, tous maîtres de mon cœur par l’affection, par les égards, par l’exigence ? Tous, un instant, vous eûtes — ou vous aurez — certains de mes goûts, j’eus — ou j’aurai — certains des vôtres. Mais, la plupart du temps, nous sommes différents. Nous suivons des chemins parallèles, mais l’un c’est dans la plaine, l’autre dans la montagne et l’un a chaud et l’autre a froid, l’un repose dans l’herbe quand l’autre jouit de la neige, l’un se fleurit d’une rose et l’autre d’une agate. Dans le désordre des fatigues et des privilèges, des buts et des impasses.

Pourtant, faute d’un miroir commun, nous échangeons notre portrait. Je vous offre aujourd’hui l’un des miens, le plus hospitalier, sinon le plus ressemblant : les poèmes que j’ai le plus aimés. Donnez-moi le vôtre et nous confronterons nos goûts, nous réduirons nos différences.

Les professeurs de poésie étant conçus mais à naître, je me méfie des anthologies objectives. On nous apprend ici à mourir plutôt qu’à vivre, à se cacher plutôt qu’à se révéler. Mais nous sommes sensibles et ce qui est le plus vivant pour nous, à condition que nous le proclamions très haut, le deviendra pour les autres.

Dites-vous, mes amis, que chacun des poèmes de ce livre si varié, j’aurai voulu, passionnément, l’écrire. Dites-vous surtout que je ne suis jamais heureux et fier que de ce que j’aime. Je ne m’aime pas, j’aime mes amours ; je ne les impose pas mais je les défends. Paul Éluard.

 

 

 

 

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