Émouvante lettre d’Alfred JARRY quelques semaines avant sa mort.

« Nous n’avons plus besoin de calme d’esprit, pour l’excellente raison que nous n’avons plus d’in-18 à faire pour l’instant. »

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Alfred JARRY (1873.1907)

Lettre autographe signée à Alfred Vallette.

Trois pages in-8°. Enveloppe autographe.

 [Laval] 30 août 1907.

 

« Nous n’avons plus besoin de calme d’esprit, pour l’excellente raison que nous n’avons plus d’in-18 à faire pour l’instant. »

Émouvante lettre de Jarry, quelques semaines avant sa mort, au directeur du Mercure de France, Alfred Vallette.

Jarry – s’exprimant par un « nous » aux accents ubuesque – confirme à Vallette avoir envoyé le manuscrit de La Dragonne à l’éditeur Fasquelle qui a déjà en main La Papesse Jeanne. Il travaille par ailleurs à l’achèvement de La Chandelle Verte et se montre plutôt optimiste quant à sa situation financière et à son état de santé.

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« Monsieuge, Nous vous remercions de vos bons avis et nous excusons de notre lettre : en effet, nous avons trop déjà usé de la complaisance de vous-même au nom du Mercure. Je ne crois pas qu’il y aura la moindre difficulté du côté Thadée (à ce propos, le manuscrit est parti ce matin, il a même coûté fort cher de port). Quant à l’état nomade et ambulatoire de Fasquelle, cette difficulté sera aisément tranchée. Alex. Natanson l’accompagnant fort souvent. Vous nous direz que nous sommes trop optimiste… c’est un signe, croyons-nous, de santé reconquise : la vie de petit propriétaire campagnard ou du moins provincial nous a singulièrement cuirassé. Nous n’avons plus besoin de calme d’esprit, pour l’excellente raison que nous n’avons plus d’in-18 à faire pour l’instant (Fasquelle recevra demain sans doute, de par Natanson, la Dragonne – quel bouquin ! il a plus de 400 pages, ce qui est peut-être un défaut -, nous achevons de mettre en ordre La Chandelle Verte, (Spéculations), et il a le roman grec [La Papesse Jeanne].

Quant aux comptes de Corbeil qu’y a-t-il ? Il y a Jobard, bistro (on ne s’appelle pas Jobard !) qui nous a écrit fort poliment ; et il y a Creusy qui ne nous a pas écrit du tout, sans doute parce que nous l’avons payé en grande partie. Dubois est plus inquiétant, mais il ne peut rien faire – n’oublions pas que notre terrain est aliéné, et qu’en outre nous serons sur les lieux. Donc nous allons revenir prochainement, monsieuge. Votre avis est bon, de demander un peu plus à Natanson en vue des voyages à Paris … mais nous connaissons nos muscles et savons que ça repousse un peu plus vite que chez l’être humain.

Quant à Troulet, s’il nous embête, nous lui proposerons purement et simplement de lui laisser son terrain,après l’avoir fait mitrer, et ce sera encore lui le dindon de la farce. Le café du Tunnel s’estimera heureux, à défaut de règlement immédiat, si nous venons de temps en temps prendre un verre à deux sous en prodiguant quelques bonnes paroles. Le seul ennui, c’est que nous ne voyons pas la possibilité d’avoir tout arrangé pour le départ dans la semaine qui vient … mais je pense qu’à défaut de vacances de quelque durée on vous verra au moins le dimanche ? Nous vous serrons la main. Alfred Jarry.  

Pour le bateau, nous en trouverons, nous avons fait plus difficile, l’essentiel était de se remettre sur pied d’abord… et c’est fait … quoique le parachèvement de l’in-18 ait été très contraire à la prescription doctorale : cure de repos ».

 

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Dans les derniers mois de sa vie, Alfred Jarry, malade et sans argent, alterna de brefs passages à Paris avec de plus longs séjours chez sa sœur Charlotte, à Laval. C’est de cette ville qu’il envoya à son éditeur le manuscrit de La Papesse Jeanne d’Emmanuel Rhodes qu’il avait traduit du grec en collaboration avec le docteur Saltas et qui fut son dernier ouvrage achevé.

 

 

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