Jacques MAJORELLE – Le Maroc, sa peinture et son merveilleux jardin.

« Je suis terriblement dérangé, étant devenu, par mon jardin et ma peinture, une des curiosités de Marrakech. »

4.500

Jacques MAJORELLE (1886.1962)

Lettre autographe signée.

Deux pages in-4° sur papier à son en-tête.

« Jacques Majorelle. Artiste peintre. Marrakech – Guéliz ».

Marrakech. 1er février 1959.

 

« Je suis terriblement dérangé, étant devenu, par mon jardin et ma peinture, une des curiosités de Marrakech. »

Magnifique lettre du peintre orientaliste relative au Maroc, à sa peinture et à son sublime jardin de Marrakech. Jacques Majorelle se montre très sombre quant à la situation économique et sociale du Maroc qui avait accédé à son indépendance trois ans plus tôt. Confessant être devenu « une des curiosités de Marrakech » grâce à sa peinture et à son jardin, il s’enquiert de nouvelles plantations pour ce dernier.

_________________________________________________

 

« Mon cher Maurice, Il apparaît d’après vos 2 dernières lettres que vous rencontrez certaines difficultés à vous installer. Je ne vous cache pas que je l’avais prévu. Nous nous sommes concertés avec Bertrand sur les possibilités qu’il pouvait y avoir à vous trouver quelque chose ici et il a été comme moi, vu la situation qui empire, d’avis que c’était reprendre avec 50% de chances en moins, ce que vous aviez dû abandonner. Je pense donc que ce serait une erreur de vous leurrer sur l’éventualité d’un retour au Maroc. Ce pays n’est pas près de retrouver l’ordre, la sagesse et surtout l’état d’esprit qui permettrait un redressement économique.

Les nouveaux gouvernants pataugent avec de grandes phrases, de grands discours, et cachent derrière un patriotisme factice, une lutte acharnée pour leurs intérêts personnels. Le Maroc s’est vidé de sa substance en nous obligeant à céder la place. Ceux qui restent doivent se débrouiller avec les miettes de ce qui reste de l’œuvre française. C’est un triste spectacle.

Je suis dans un état de santé très précaire. Avec des hautes et des bas. Comme il ne me reste plus une toile, il est indispensable que je retravaille, mais ce n’est pas au rythme de jadis, et je suis terriblement dérangé, étant devenu, par mon jardin et ma peinture, une des curiosités de Marrakech. J’ai l’insigne honneur d’avoir à répondre à des interviews. Les journalistes étant nombreux à cause de Churchill* et des Walter [la célèbre collectionneuse Domenica Walter].

Je voudrais augmenter le volume de mes Carmas qui sont même en janvier encore en fleurs. Connaissez-vous quelqu’un qui pourrait me fournir à bon prix les rhizomes. Feuilles pourpres, plantes basses, fleurs orange, rose ou rouge feu, pas de jaune. Si le prix est abordable il me faudrait une centaine de rhizomes. Veuillez me répondre à ce sujet. Maithé [Marie-Thérèse Hamann, sa compagne] et moi vous serrons affectueusement dans nos bras. Jacques. »

 

_________________________________________________

 

En 1923, Jacques Majorelle fait l’acquisition d’un hectare et demi de terres au nord-ouest de la médina de Marrakech et y fait construire sa villa, puis agrandit son terrain afin de créer son propre jardin botanique. En 1931, il commande à l’architecte français Paul Sinoir un atelier d’artiste de style Art déco et en couvre les façades de ce bleu électrique qui porte désormais son nom, le « bleu Majorelle ».

Autour de la demeure, il développe une œuvre d’art vivante : Le jardin Majorelle. Composé de plantes exotiques et d’espèces rares – cactus, yuccas, bananiers, cocotiers, palmiers, bambous, plantes aquatiques – le jardin constitue l’un des plus beaux tableaux naturels de la ville.

Ouvert au public en 1947, le jardin tombe à l’abandon à la mort de l’artiste en 1962. En 1980, le lieu renaît grâce à Pierre Bergé et Yves Saint Laurent qui en font l’acquisition pour le sauver d’un projet immobilier. Le jardin est restauré et la collection de plantes élargie à plus de 300 espèces différentes. Le lieu reste considéré comme l’un des plus beaux jardins au monde.

 

* En janvier et février 1959, séjournant à la Mamounia, Winston Churchill fit le dernier de ses six voyages à Marrakech, terre marocaine qui l’enchantait et où il s’adonnait avec passion à la peinture.

 

 

 

Formulaire de contact

Nouveautés