Romain GARY évoque le cinéma et son roman “Les Racines du ciel”. 1959.

“Je constate que mon livre n’a rien à craindre. J’avais très peur, vous comprenez. Je me réveillais la nuit couvert de sueur froide : je rêvais que le film était aussi bien que le livre et que le cinéma pouvait rivaliser avec la littérature. Mais ce n’était qu’un cauchemar et tout s’est très bien passé.”

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Romain GARY (1914.1980)

Manuscrit autographe signé.

Deux pages in-4°

Sans lieu ni date [1959]

« Je constate que mon livre n’a rien à craindre. »

Intéressantes réponses de l’écrivain français interrogé sur le cinéma et sur l’adaptation de son roman prix Goncourt, Les Racines du ciel, par John Huston en 1958.

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QUESTIONS

 

– Que pensez-vous de l’adaptation au cinéma de votre roman, par John Huston ?

Ha ! Ha ! Ha ! J’ai été très amusé et très content : je constate que mon livre n’a rien à craindre. J’avais très peur, vous comprenez. Je me réveillais la nuit couvert de sueur froide : je rêvais que le film était aussi bien que le livre et que le cinéma pouvait rivaliser avec la littérature. Mais ce n’était qu’un cauchemar et tout s’est très bien passé.

– A Paris, le film accuse un certain divorce entre la critique et le public. Quelle morale en tirez-vous ? Voyez-vous les raisons de la mauvaise humeur de la critique, alors que dans la salle après la projection les spectateurs applaudissent ?

C’est que le public est plein de générosité, de pardon et de pitié : ce sont de bons chrétiens. J’ai moi-même applaudi, lorsque la projection fut terminée. Il faut avoir du cœur, dans la vie.

– Votre séjour près d’Hollywood a-t-il facilité vos relations et vos négociations avec les réalisateurs du film ?

         Non. Je ne les ai rencontrés qu’à Paris.

– Karl Jaspers s’est écrié récemment en Allemagne : “Malheur à l’écrivain qui écrit pour ne rien dire”. Ne pensez-vous pas que cette malédiction pourrait s’appliquer à beaucoup de célébrités des lettres Françaises actuelles, et qu’il serait temps d’adopter la formule de Baudelaire pour la peinture au XIXe siècle : “Hélas ! tout le monde peint trop bien”, à la littérature du XXe siècle “Hélas ! tout le monde écrit trop bien” ?

Tout cela ne veut rien dire. Un écrivain peut écrire pour ne rien dire et devenir un grand écrivain s’il a du génie. La phrase de Jasper – mais il faudrait voir le contexte – est une de ces pathétiques tentatives des professeurs de philosophie d’annexer l’art, l’art qu’ils ne peuvent jamais nous pardonner. Romain Gary.

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Les Racines du ciel (titre original : The Roots of Heaven) fut adapté au cinéma par John Huston, en 1958. Le casting du film était de premier ordre : Errol Flynn, Juliette Gréco, Orson Welles, Trevor Howard, etc.

 

 

 

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