Camille CLAUDEL se réjouit de son marbre de La Petite Châtelaine.

« Je suis allée tout de suite chez mon ouvrier pour voir mon petit buste en marbre. Le marbre cette fois est très beau. »

25.000

Camille CLAUDEL (1864.1943)

Lettre autographe signée à Pauline Ménard Dorian, épouse de Georges Hugo.

Lettre inédite.

Six pages ½ in-8°. [Paris, août ou septembre 1894].

 

« Je suis allée tout de suite chez mon ouvrier pour voir mon petit buste en marbre. Le marbre cette fois est très beau. »

Longue et précieuse lettre – inédite – de Camille Claudel, contant son épique voyage retour de Guernesey, et s’exaltant de la beauté de l’un de ses chefs d’œuvre, son petit buste en marbre, La Petite Châtelaine.

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« Chère Madame, Nous sommes arrivés ce matin à Paris après un voyage très original. La traversée de Guernesey à Cherbourg a été très bonne et je n’ai pas eu le mal de mer grâce aux citrons de Mlle Dora. Nous avons fait une petite promenade à Aurigny (un pays très désert et très sauvage dont l’air archiglacial a guéri mon rhume à l’instant). A Cherbourg nous avons manqué le premier train, nous avons pris celui de six heures qui devait nous amener à 4 heures du matin à Paris. Malheureusement un train de marchandises abandonné sur une voie nous a barré la route et nous nous sommes tout à coup réveillés à 1 heure du matin au milieu d’une forêt de pins (dans un pays resté inconnu). Nous sommes restés là 4 heures sans pouvoir bouger pendant que six trains venaient s’ajouter au nôtre ; c’était une vraie procession de vers luisants et toutes les locomotives soupiraient l’une derrière l’autre d’un air très malheureux et très fatigué ach… ach… ach…  C’est ainsi que nous avons vu le jour se lever. Enfin à 5 heures on s’est décidé à nous délivrer et nous sommes arrivés à Paris à 8.

De la gare je suis allée tout de suite chez mon ouvrier pour voir mon petit buste en marbre. Le marbre cette fois est très beau ; on m’avait déjà écrit quatre fois de le venir voir avant de continuer ; il n’est pas encore terminé et je ne l’aurai que dans dix jours ; j’ai trouvé mes terres un peu sèches mais rien de malheureux n’est arrivé en mon absence. L’air de Paris est très chaud et lourd, je suis encore tout ahurie de me trouver entre les quatre murs de mon atelier en ayant encore dans mes yeux tout le souvenir des belles campagnes et de la mer de Guernesey. J’éprouve une grande surprise de me retrouver si seule et de ne pouvoir plus causer à personne. 

J’ai appris que mon beau-frère et ma sœur sont auprès de mes parents ; ainsi je ne partirai pas tout de suite et je pourrai travailler ici quelque temps. Je conserverai un excellent souvenir des charmantes vacances que vous m’avez procurées et que, bien malgré moi, je n’ai pu prolonger davantage. Je suis heureuse d’avoir pu lier meilleure connaissance avec vous tous et d’avoir trouvé en vous des amis si bons, si indulgents.

Je vous prie d’agréer, chère Madame, l’assurance de ma sincère reconnaissance. Rappelez-moi au souvenir de Mons. Georges Hugo, Mons. Léon Daudet et toute votre famille dont je n’oublierai pas l’aimable accueil.Camille Claudel. »

 

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Camille séjourna en 1894 à Guernesey, à La Marcherie, demeure de Mme Ménard Dorian, son hôte, épouse de Georges Hugo.

Pauline Ménard-Dorian (1870-1941), femme de lettres, tenait un salon littéraire à Paris. Le salon républicain de sa mère Aline réunissait régulièrement des personnalités de l’époque dont Rodin, et c’est sans doute par l’intermédiaire de celui-ci que Camille fit la connaissance des Ménard-Dorian qui l’invitèrent à La Marcherieoù elle rencontra Georges Hugo. Elle réalisa à cette occasion « une spirituelle statuette de pierre tendre de couleur vert-jade » de celui-ci, comme le signale Mathias Morhardt dans une lettre à Judith Cladel du 19 août 1934. Cette œuvre n’a pas encore été retrouvée.

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