[Charles BAUDELAIRE] – M. LEFRANC
Lettre autographe signée à Amédée de Césena, directeur du Constitutionnel.
Deux pages in-8°. Slnd. 13 juin (1854)
Baudelaire – Correspondance. Pléiade Tome I, page 279-280.
« Il y a certainement dans cet auteur quelque peu halluciné , une certaine puissance d’investigation qui étonne… »
Un lecteur du Constitutionnel s’interroge sur le bien-fondé de publier les traductions de Poe par Baudelaire dans le Journal, preuve des difficultés du poète à imposer l’œuvre d’Edgar Allan Poe à Paris.
« Traduction de Poe par Baudelaire à M. de Césena. Mon cher monsieur, je vous adresse les articles traduits d’Edgar Poe par M. Baudelaire et que celui-ci destine au Constitutionnel. J’ai déjà eu occasion de vous parler de ces articles. Je vous ai dit qu’ils appartenaient à une littérature excentrique et transcendante, étrange et subtile dont les partisans sont très restreints et que tout en reconnaissant les mérites de ces mets de haut gout, je désirais, avant de l’admettre dans notre garde-manger m’en référer à votre dégustation.
Parmi ces articles il y en a de manuscrits, il y en a d’autres qui ont déjà été imprimés dans divers recueils. M. Baudelaire nous envoie le tout comme échantillon de son travail. Peut-être trouverez-vous comme moi que ces traductions du romancier américain, sont d’une nature trop abstraite, trop anormale pour la masse de nos abonnés. Il y a certainement dans cet auteur quelque peu halluciné , une certaine puissance d’investigation qui étonne, une ardeur fantasque à fouiller le surnaturel qui est quelque chose de curieux et de saisissant. Mais son œuvre est-elle à l’adresse de nos lecteurs ? Voilà la question. C’est à vous seul, mon Cher Monsieur, à le décider. Veuillez agréer mes salutations bien cordiales. Lefranc »
Le 3 juin 1854, Baudelaire avait écrit à Armand Dutacq : « Que vous seriez aimable, Monsieur Dutacq, si une bonne fois vous vouliez vous occuper un peu d’une affaire à moi pendante ici ! Il s’agit encore d’Edgar Poe, repoussé depuis si longtemps (…) M. Lefranc qui, comme vous savez, lit les manuscrits, a déjà une grande quantité de matière entre les mains … ». Une semaine plus tard, le 10, Baudelaire récidiva auprès de Dutacq : « ….M. Lefranc ne considérait pas l’affaire comme arrangée, que tout ce qu’il avait entre les mains était bien excentrique, bien littéraire… »