Jules MURAIRE dit RAIMU (1883.1946)
Lettre autographe signée à Marcel Pagnol.
Deux pages grand in-4° sur papier à bords effrangés et à son adresse.
Paris. 9 octobre [1935]
« Après le succès de Fanny et de Marius, j’ai peur d’un insuccès … »
Formidable lettre du comédien au ton amical et directif, à son auteur Marcel Pagnol, le tançant de sa paresse à mettre enfin au point César, le troisième volet de la Trilogie marseillaise après Marius et Fanny.
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« Mon cher Pagnol, Au retour de [Henri] Alibert j’aurai cru vraiment que tu aurais travaillé à César. Car n’oublie pas que c’est une pièce du grand Marcel Pagnol. Et seulement c’est une chose qui ne marche pas rond. Alibert veut quand même qu’on la joue. C’est une erreur. Car après le succès de Fanny et de Marius, j’ai peur d’un insuccès et je dois dire cela par ta faute, faute de paresse de ta part.
Nous répétons lundi. Mais nous voudrions tous, ou que tu t’occupes de ta pièce, ou que tu donnes des ordres pour t’attendre : crois moi Marcel, c’est une grosse erreur. Il n’y a pas de liaison entre les scènes. Les scènes tournent trop court, et ça c’est un travail que personne autre que toi, peu [sic] faire. À moins que tu prennes un collaborateur, ce qui serait une chose impossible. A toi. Affectueusement Raimu »
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Contrairement aux deux premiers volets théâtraux de la Trilogie marseillaise, Marius (1929) et Fanny (1931),Pagnol choisit d’écrire César directement pour le cinéma. Réalisé en 1936, le film sort le 11 novembre de cette même année, avec Raimu dans le rôle-titre, Pierre Fresnay en Marius et Orane Demazis en Fanny.
Pagnol indique lui-même dans la préface de César [Œuvres complètes], que le choix cinématographique s’est imposé à lui face à l’impossibilité de réunir les comédiens de la trilogie plus de deux mois de suite au théâtre : « L’absence de Raimu et les départs successifs des créateurs des autres rôles nous feraient courir un très grand risque […] Les bureaux de Paris convoquèrent les comédiens, qui furent aussitôt engagés, pour une date un peu trop rapprochée à mon goût : mais à cause des contrats que plusieurs avaient déjà signés pour d’autres films, je n’avais qu’un mois pour rédiger mon ouvrage […] Je me mis donc à l’ouvrage avec une entière confiance, et je rédigeai sans peine les premières séquences du film ; mais mon travail était sans cesse interrompu par le téléphone, les maçons, les charpentiers, les décorateurs, les accessoiristes, qui préparaient déjà la réalisation…
Le film sera adapté au théâtre par Pagnol, dix ans plus tard, et la pièce créée en 1946 au Théâtre des Variétés. Henri Alibert remplaçant Pierre Fresnay dans la pièce.