Pablo PICASSO (1881.1973)

Photographie originale signée.

Tirage argentique d’époque, probablement unique.

Cannes – 1957.

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Picasso, l’œil rieur et fumant devant ses toiles, pose entouré des galeristes et de sa jeune modèle Sylvette David, lors de son exposition à la Galerie 65.

Derrière Picasso, une œuvre du maître figurant Sylvette assise devant une tasse de café.

Cliché enrichi de la signature de Picasso à l’encre noire, en marge inférieure.

 

Au dos, une légende manuscrite indique : Exposition dans une galerie, rue d’Antibes à Cannes, avec les galeristes et Sylvette (blonde) compagne du moment de Picasso.

Sylvette David, également connu sous son nom d’épouse Lydia Corbett, travaillait dans un atelier de poterie près de celui de Picasso à Vallauris, à l’été 1953. Elle avait alors 19 ans.  Avec sa beauté grave et ses cheveux blonds attachés en queue de cheval, elle attira l’attention du maître en 1954 et, pendant trois mois, devint sa muse et le sujet de plus de 40 œuvres de Picasso.

Cliché à bords effrangés.  Format oblong : 9 x 12,50 cm.

 

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Sylvette Roux à propos de Picasso : J’étais une jeune fille de 19 ans timide à l’extrême. J’avais peur de tout, même de parler. Quand le célèbre peintre m’a demandé de poser pour lui, en avril 1954, effarouchée, je suis arrivée à son atelier avec un manteau gris, serré jusqu’au cou. Il a voulu me payer mais j’ai refusé, par crainte qu’il me demande de me déshabiller. 

Je vis à Vallauris avec ma mère. Elle est peintre, travaille dans une poterie et loue une petite maison dans le village. Moi, du haut de mes 19 ans, j’ai peur de tout, y compris de travailler. Je n’ai jamais fait d’études. Mon fiancé anglais, Toby, vit avec nous et, pour gagner sa vie, réalise du mobilier en fer forgé. Maman connaît bien les Ramié, propriétaires de la poterie Madoura, et leur demande s’ils peuvent montrer à Picasso, qui vient chez eux faire ses céramiques, une chaise très originale de Toby. Toby et moi passons un soir, vers 19 heures, pour voir si Pablo a aimé sa chaise. Suzanne Ramié nous dit qu’il l’a achetée. Le visage de Toby se remplit alors de fierté, et quelques minutes plus tard, Picasso arrive, très souriant, une cigarette entre les doigts. Son sourire est très beau, très franc et, dans ses yeux, on voit tout ce qu’il pense. Je deviens toute rouge tant je suis intimidée. Il félicite chaleureusement Toby et nous demande de livrer l’objet à la Galloise, sa villa. Quelques jours plus tard, je suis avec une bande d’amis sous l’auvent d’une terrasse emplie de vieilles poteries que l’on mettait là à sécher. Un simple mur nous sépare de l’atelier de Pablo. Tout à coup, on entend des « ouh ouh ! », et au-dessus du mur, une immense toile se déploie : c’est mon portrait, de profil, avec ma longue queue-de-cheval. Picasso m’a dessinée de mémoire, au fusain. On ne voit pas le peintre car il est assez petit, mais on devine que c’est lui. Picasso nous fait signe de venir le voir, ouvre le portail et la visite de son atelier commence.

Il nous montre ses céramiques, ses toiles quand il se retourne vers moi et me demande de poser pour lui. Je suis très étonnée car je suis avec une amie qui est beaucoup plus belle que moi. Je lui réponds : « Je vais demander à ma mère. » Qui dit tout de suite oui.

Le lendemain matin, en fin de matinée de ce mois d’avril 1954, vêtue d’un manteau gris avec un col cousu par maman et fermé jusqu’au cou par des boutons en pièces de cinq francs fabriqués par mon fiancé, j’arrive à l’atelier. Picasso m’embrasse sur chaque joue. Il sent bon, il est rasé de près. Il me demande gentiment de m’asseoir dans un rocking-chair devant une fenêtre et, surtout, de rester de profil. Le peintre fume des gitanes, sur le sol est posée une pyramide de paquets vides. Il veut me payer. Je refuse. Car je pense que si j’accepte, il me faudra alors poser nue. Je me trompe totalement : il ne me l’a jamais demandé. Après une séance, il me montre mon portrait en pull-over bleu marine à col roulé, et demande : « Est-ce qu’il vous plaît ? » Je murmure : « Oui, monsieur Picasso. » Le lendemain, en arrivant dans son atelier, je découvre qu’il a fait disparaître le pull de la toile et qu’il m’a peinte nue. « Sylvette, vous n’êtes pas fâchée ? » Sans même rougir cette fois, je réponds : « Non, je le trouve très bien, ça ne me dérange pas du tout. » Souvent, Picasso insiste : « Dites-moi si vous avez besoin d’argent. Je sais ce que c’est de ne pas en avoir. » Comme je ne veux pas, il achète des chaises à Toby. Parfois, il m’emmène en visite chez Madoura. Un jour il m’a fait entrer dans un grand hangar dans lequel il y avait sa belle Hispano-Suiza noire. Il me dit : « Montez. » Nous nous installons à l’arrière, et il me raconte plein d’histoires, sur sa vie, son passé, mais je suis si jeune, je ne comprends pas grand-chose. En me quittant, il m’embrasse comme un père sur les deux joues. 

J’ai posé environ trois mois pour lui. A la fin, il m’a remerciée : « Sylvette, merci d’avoir été là quand j’avais des ennuis, je traversais un mauvais passage dans ma vie sentimentale et par votre présence vous m’avez aidé. » En juin, il me fait venir à l’atelier, et m’entraîne dans une pièce : « Regardez, Sylvette, il vous faut choisir un tableau. » Il y avait là tous mes portraits, une bonne quarantaine, de toiles et dessins. Je choisis le plus ressemblant et le plus grand, daté du 5 mai 1954.
Du jour au lendemain, grâce à ses toiles, je deviens une vedette. Je n’ose plus sortir dans les rues de Vallauris, on me demande des autographes. Je suis un peu dépassée par les événements. 

Plus tard, Toby est tombé malade et nous avions besoin d’argent. J’ai dû vendre le portrait que Picasso m’avait donné. C’est un Américain qui l’a acheté, je pleurais toutes les larmes de mon corps, au fond de moi j’aurais tellement voulu le garder. Je le lui avais vendu pour 10 millions d’anciens francs. Cela m’a permis d’acheter un appartement à Paris, de faire soigner Toby, puis de l’épouser. J’ai retrouvé mon portrait en Angleterre, l’année dernière. Le nouveau propriétaire qui l’avait acquis dans une vente aux enchères pour plusieurs millions de dollars, a bien voulu me recevoir. Vous imaginez, cinquante-quatre ans plus tard, l’émotion a été trop forte et j’ai pleuré. 

Récemment, j’ai été invitée au Texas au musée de San Antonio. Ils ont un portrait de moi et le conservateur m’a demandé pourquoi Picasso m’avait peinte sans bouche. Un peu comme Bécassine. J’ai répondu tout simplement : « Parce que j’étais si timide que je ne parlais pas. » Je lui dois d’être devenue peintre à mon tour. Pour moi, il a été une clef qui ouvre toutes les portes.

 

 

 

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