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Marcel PROUST - "La perspective d’être interné ..."

Lettre autographe signée à Max Daireaux

Sept pages in-12°. (Paris. Mai 1909)

« Avez-vous reçu la lettre où je vous envoyais des vers idiots et obscènes de Cabourg. Pourvu que ces horreurs ne soient pas égarées ! »

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Marcel PROUST (1871.1922)

Lettre autographe signée à Max Daireaux

Sept pages in-12°. (Paris. Mai 1909)

Référence : Kolb, IX, n°43.

« Avez-vous reçu la lettre où je vous envoyais des vers idiots et obscènes de Cabourg. Pourvu que ces horreurs ne soient pas égarées ! »

Mon cher ami, Je serai heureux de faire passer des fantaisies de vous au Figaro si je le puis et je vous remercie de me donner ce plaisir. Je suis l’homme peut-être le moins fait pour cela, me levant une fois par mois à peine. Et je suis vis-à-vis de tout Paris (c’est-à-dire des cinq ou six personnes que je connais) dans une situation si difficile que par moments la perspective d’être interné dans une maison de santé m’apparait comme une « solution » qui au moins couperait court aux excuses. C’est vous dire que pour envoyer ces fantaisies il me faudrait faire précéder ma lettre d’innombrables « je ne sais ce que vous devez penser etc » laissant supposer que vos fantaisies sont le seul point qui me rattache à l’existence. Mais mes amis sont cléments et seront gentils. L’inconvénient est de ne pas être sur place. L’homme utile est celui qui a votre fantaisie en poche quelques soirs de suite. Puis à un moment où Fauré n’a pas envoyé son article, il le sort et le fait insérer. Au bout de cinq ou six fois vous êtes « dans la maison » et faites cela vous-même. A cet égard Caillavet, que vous connaissez je crois, a sur moi l’avantage (parmi mille autres) d’être « du Figaro » et de pouvoir faire ce que je vous dis là. Quant à Chevassu il est le directeur du Supplément. C’est-à-dire que je suis à côté de lui à peu près comme une puce à côté de la Tour Eiffel. Néanmoins, en cette qualité de puce, je saute avec joie sur l’occasion de vous témoigner mon zèle et ferai tout mon possible pour faire insérer vos fantaisies et transformer cette collaboration accidentelle en une définitive. Mais je me souviens du temps où je portais des articles à Cardane et où chaque fois une nouvelle actualité le forçait à me dire d’un air désespéré : « Hélas cher ami, vous comprenez bien n’est-ce pas qu’avec cette affaire du Maroc, nous ne puissions insérer votre bel article. Il y a pléthore. » (…) Cardane était de plus en plus désespéré. Hélas cet excellent homme est mort, mort avant moi, ce qui semblait contre les probabilités. Avez-vous reçu la lettre où je vous envoyais des vers idiots et obscènes de Cabourg. Pourvu que ces horreurs ne soient pas égarées ! Demandez-moi quand vous le voudrez une loge pour le théâtre des Arts. Et envoyez-moi quand vous voudrez une « fantaisie ». Celles que j’ai lues dans Comedia étaient bien spirituelles. Merci de me les avoir envoyées et de tout cœur à vous. Marcel Proust. Si vous voulez téléphoner un soir à tout hasard, vous avez bien peu de chance que je sois visible, même que je sois réveillé. Mais enfin, si vous avez le téléphone vous pouvez essayer (29205) mais je vous préviens que je serai couché quand vous me verrez car je ne me lève pas une fois par mois.

 

Proust rencontra le jeune Max Daireaux (1884-1954) à Cabourg en 1908. Souvent badines et amusantes, les lettres de Proust le montrent à la fois désireux de plaire au jeune homme qu’il veut introduire au Figaro et chagrin de ne pas recevoir ses visites. Avec le temps, Proust se montre moins sensible à la distance que met entre eux le jeune écrivain, bien que nostalgique de leurs jours passés à Cabourg. Il le conseille sur ses écrits et raconte des anecdotes amusantes qui ont inspiré certains passages de la Recherche.

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