[Jean-Paul SARTRE] – Anne-Marie SCHWEITZER – SARTRE (1882.1969)

Lettre autographe signée à Joseph Sartre, son beau-frère.

Sept pages in-8°. La Rochelle, 21 octobre 1921.

« Poulou, en parfaite santé, a pris froid […] il a fallu lui faire une opération – le trépaner – car il y avait menace de méningite. »

Belle lettre de la mère de Sartre évoquant les années de jeunesse de son fils, ses fragilités et sa trépanation subie à l’âge de 16 ans.

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« Mon cher Joseph j’ai bien pensé à vous écrire le 17 septembre – comme chaque année, mais à cette époque nous étions en voyage donc mal installés pour écrire un peu longuement, et je me promettais de le faire avec quelques jours de retard, à ma rentrée à la Rochelle. Hélas notre rentrée de vacances a été marquée par un événement rapide et bien angoissant. Poulou [Jean Paul Sartre, son fils], en parfaite santé, a pris froid dans un dernier bain de mer ; un abcès dans l’oreille s’est aggravé et il a fallu lui faire une opération – le trépaner – car il y avait menace de méningite. Vous imaginez mon cher Joseph quelle fut notre angoisse avant, pendant et après cette grosse opération ! Et il y a à peine 15 jours de cela !  Poulou se promène fièrement dans les rues aussi alerte et solide qu’auparavant, si ce n’est que sa pauvre tête est toute emmaillotée et bandée, ce qui lui donne l’air fort intéressant. Avec ce contretemps il ne rentrera à Paris que le 15 novembre, car les pansements sont longs, et le voyage est pénible. Donc il lui faut beaucoup de prudence. C’est une alerte dont nous nous serions bien passés. À tous points de vue ! Car l’opération s’est faite le jour même où nous devions déménager ; notre maison est pleine d’ouvriers, de caisses ouvertes, de meubles démontés, et nous devons vivre encore 3 semaines dans cette horreur ! Car je ne sais si vous êtes au courant de notre retour à Paris ? Mon mari va être directeur de la société d’automobile chez Delaunay Belleville, et nous sommes ravis de quitter la Rochelle, surtout pour retourner à Paris. Le départ de Poulou m’avait trop peinée l’an dernier et quand on a qu’un gosse il ne faut pas s’en séparer. Aussi quand nous avons su que nous revenions à Paris nous avons été très heureux. La question d’appartement est bien un gros point noir à l’horizon, mais j’espère quand même arriver à nous loger promptement. Poulou ne sera pas pensionnaire cette année après cette opération et mes parents sont bien heureux de le prendre chez eux. Quant à mon mari et moi nous irons à l’hôtel. Tant pis pour la bourse !!! Ce sera une année qui comptera. J’ai été bien contente mon cher Joseph, de voir que le séjour à la Brugère (?) vous est favorable. Je le pensais bien, mais je craignais un peu que l’hiver vous parût long et solitaire. Il est vrai que le chemin n’est pas impraticable pour aller à Thiviers et que vous êtes bien valide. Poulou a bien regretté de ne pas pouvoir vous voir cette année, mais nous avons déjà projeté de vous l’envoyer quelques jours l’an prochain, quand nous serons parisiens et que nous ne pourrons pas le mener en vacances. Pour une huitaine de jours il sera raisonnable et ne vous causera pas d’ennuis, d’ailleurs c’est un homme et il est bien gentil. Je vous quitte mon cher Joseph en vous souhaitant de continuer votre vie actuelle bien agréablement. Mon mari et moi nous vous envoyons notre bon souvenir et Poulou vous embrasse bien affectueusement. Anne-Marie. »

 

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Joseph Sartre (1868.1927) est le frère aîné de Jean-Baptiste Sartre (1874.1906), père du philosophe, décédé de la fièvre jaune, en 1906, tandis que Jean-Paul n’avait que quinze mois.

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