Guillaume APOLLINAIRE (1880.1918)

Lettre autographe signée, rédigée du front, à Chérie Faure-Favier.

Deux pages in-12° à l’encre parme. Enveloppe autographe.

45e Batterie. 38e Rgt. Secteur 138. 12 octobre 1915

Correspondance générale. Tome II, pp. 842-843.

 

« Je vous enverrai un poème la prochaine fois. » 

Émouvante lettre du poète, au front, contant la guerre à sa jeune amie. Apollinaire témoigne de son moral vaillant, de son courage face à l’ennemi allemand et de son inextinguible quête de poésie.

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« Chère petite amie, Pourquoi n’êtes-vous pas gentille vous. Mais vous l’êtes tout de même en pensant à moi, en parlant de moi. Vous exagérez toutefois en me plaignant, je ne m’ennuie pas. En effet, vous avez bien compris l’indication de la photo qui est exacte. C’est cela même.

Vous pensez si on a le temps de s’embêter et si on a eu le temps de lire la jolie fille de … de Walter Scott [La Jolie fille de Perth], de chanter A menilmontant de Bruant et de regarder ce qui sert de gueule aux sangliers et aux Boches tout ça aux hurlements de nos canons.

Je vous enverrai un poème la prochaine fois. Rappelez-le moi dans votre prochaine lettre. J’attends avec impatience mon portrait en artilleur. Je n’irai pas en permission à Paris. D’ailleurs, il n’y a pas de permission depuis 6 semaines et je ne sais quand il en sera de nouveau question. Si vous voyez André Billy dites-lui qu’il me laisse longtemps sans nouvelles de lui. Je vous remercie de m’avoir envoyé une feuille blanche, mais aujourd’hui j’avais des papiers, je m’en sers tout de même. 

C’est de nouveau secteur 138. Vous savez on a bien vu la guerre maintenant. Ça n’empêche pas les épeires (dont c’est la saison) de jeter des fils de la Vierges entre les branches des sapins brisés, roussis en partie. Puis de temps en temps ça sent la poire blette comme dans les endroits où on met les fruits à la campagne. Ce sont les gaz lacrymogène qui ont cette odeur automnale et qui font pleurer. Ma main très amie G.A. »

 

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Fille de Louise Faure Favier, Anne Chérie Faure Favier (1898.1990) fut plus connue sous son nom d’artiste peintre Chériane. Elle épousa Léon-Paul Fargue à l’aube des années 40.

Correspondance générale. Edition de Victor Martin-Schmets. Ed. Honoré Champion.

 

 

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