Georges MÉLIÈS (1861.1938)

Lettre autographe signée à Auguste Drioux.

Quatre pages in-8°. Paris. 24 juin 1929.

« Le stock de souvenir sur le théâtre de Robert Houdin n’est pas prêt d’être épuisé. »

Très belle lettre à propos du numéro spécial de Passez Muscade qui lui est consacré. Méliès évoque également le souvenir de Robert Houdin, de l’illusionniste Jules-Eugène Legris.

_________________________________________________________________________________________________________________________________________________

 

« Cher M. Drioux, Je vous retourne l’article sur Zirka composé par M. Clément de Nice. En réalité, il ne m’appartient pas de faire des corrections sur un article écrit par un autre, mais puisque vous me le demandez, je vous fais remarquer une faute d’attention qui se trouve au début de l’article. On ne peut pas dire « l’illusionniste consacre un article sur Zirka ». On consacre un article à quelqu’un ; ou alors il faudrait dire : l’illusionniste écrit un article sur Zirka. Le mieux est de conserver le texte , tel quel, en remplaçant le mot sur par à. Le reste est parfait.

En effet, il y a un peu de tirage pour la vente du n° spécial [de la revue Passez Muscade], mais je m’y attendais, le prix, ainsi que je vous l’ai écrit, dès le début, ayant été trouvé trop excessif. Peu importe, la vente se poursuit petit à petit, et je reçois chaque jour une ou deux demandes. Ce sont surtout nos chambre syndicales qui se sont montrées chiches. L’une a pris 11 exemplaires, l’autre 12, en tout 23. Quant aux demandes isolées, de Province et Belgique, elles atteignent, actuellement, le chiffre 20. Cela fait en tout 43 n° de vendus. C’est peu évidemment mais je trouve prématuré d’annoncer qu’il en reste quelques exemplaires, etc. parce que la réclame à l’étranger n’a pas même pu paraître encore, ces publications étant presque toutes mensuelles ; (aussi bien pour le n° spécial que pour la photo de Robert Houdin) il faut donc attendre le résultat de cette publicité, et il faut bien compter un mois à un mois ½ avant de se résoudre pour employer d’autres moyens pour le solde. D’ailleurs, en octobre, à notre reprise des séances, j’en ferai certainement acheter un certain nombre de n° par ma chambre syndicale, c’est la caisse qui paiera, et se chargera ensuite éventuellement, de vendre ces n° au prix fort aux retardataires. Que voulez-vous, il n’y a rien de votre faute ni de la mienne dans tout cela, et on fera pour le mieux.

Pour vos publications futures de P.M. [Passez Muscade] je suis à votre disposition pour intensifier le nombre de n° si vous le désirez ; le stock de souvenir sur le théâtre de R.H. [Robert Houdin] n’est pas prêt d’être épuisé. Il y a de quoi faire ! pourvu que je ne casse pas ma pipe avant d’avoir fini la besogne. L’idée d’un numéro de Noël n’est pas mauvaise, mais à condition de ne pas vous mettre dans les gros frais comme pour le n° spécial. L’expérience que nous faisons en ce moment sur l’enthousiasme des adeptes n’est pas très édifiante !!! Alors, soyons prudents.  

Je vous envie de partir à la mer ! La mer, c’est ce que j’aime par-dessus tout ; surtout les côtes très sauvages. Malheureusement, moi, je ne puis y aller que vers le 20 août, jusqu’au 12 ou 15 sept. En attendant, j’enrage tous les jours en voyant le flot ininterrompu de gens qui passent par la gare Montparnasse et fichent le camp en vacances, les veinard, tandis que je reste collé sur mon tabouret !

Je vous écrirai, comme vous le demandez, un article sur Carmelli ; mais je ne possède aucune photo de lui. En tous cas, je ne pourrai pas dire de lui ce que j’ai dit de Legris, c’était un homme d’un tout autre genre, mais il y a des choses intéressantes à dire sur lui, au point de vue artistique, car, dans son genre, il fut à peu près inégalé. Amusez-vous bien pendant vos vacances, et dites bien des choses de ma part à vos amis de Nice, que malheureusement, je n’ai pas le plaisir de connaître. Cordialement à vous. G. Méliès. »

_________________________________________________________________________________________________________________________________________________

Georges Méliès cesse toute activité cinématographique en 1913. Veuf, ruiné par la première guerre mondiale, oublié du monde artistique, il épouse en seconde noce, Jehanne d’Alcy. Celle-ci gère, au sein de la Gare Montparnasse, une petite boutique de jouets et de friandises. Méliès s’occupe dès lors, avec Jehanne, du petit commerce. Durant les longues heures passées à tenir la boutique de jouets, sept jours sur sept, Méliès s’ennuie  et souffre de cet univers clos – ainsi qu’il en témoigne dans la présente lettre ; mais il continue à dessiner (se croquant même enchaîné aux murs de la gare). C’est en cet endroit que Léon Druhot, rédacteur de Ciné-journal, le retrouve. Un matin comme tous les autres, un cafetier passant par-là salue Méliès d’un retentissant « Bonjour, Monsieur Méliès ! ». Léon Druhot, se trouvant sur place, n’en croit pas ses oreilles, il imaginait Méliès mort depuis longtemps. Il l’interpelle : « Seriez-vous parent avec Georges Méliès qui faisait du cinéma avant-guerre ? » – « Mais c’est moi-même ».

 

Auguste Drioux (1884.1937), destinataire de cette lettre, fut très jeune un prestidigitateur reconnu. Il fonda, en 1916, le Revue Passez Muscade, le bulletin trimestriel des prestidigitateurs. Hors les publications régulières, Drioux publia un numéro spécial en l’honneur de Georges Méliès (1929) dont il est question dans cette lettre.

Formulaire de contact

Nouveautés