Charles de GAULLE (1890.1970)

Lettre autographe signée à Yvonne Salmon.

Deux pages in-8° sur papier à son en-tête. Enveloppe autographe.

[Colombey] 24 novembre 1946.

 

« S’ils m’avaient suivi, ils seraient aujourd’hui les vainqueurs […] le bon sens aurait triomphé ! Maintenant ce sont les ténèbres ! »

Très intéressante lettre relative à l’effervescence politique française de l’année 1946. Quelques mois plus tôt, en janvier, le Général avait remis sa démission de Président du Gouvernement provisoire au président de l’Assemblée nationale, Félix Gouin. La promulgation de la nouvelle constitution de la IVe République, le 27 octobre 1946, ainsi que les élections législatives du 10 novembre, marquées par la large victoire du Parti Communiste, sont effectives, au grand désarroi de Charles de Gaulle.

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« Chère Mademoiselle, Soyez sûre que je n’ai rien à objecter à votre activité présente. Je crois seulement que vos amis ont commis une grave faute dans l’affaire constitutionnelle. S’ils m’avaient suivi, ils seraient aujourd’hui les vainqueurs et, ce qui vaut mieux encore, le bon sens aurait triomphé ! Maintenant ce sont les ténèbres !

Cette lettre n’est que pour vous. Qu’elle vous apporte, Mademoiselle, avec mes respectueux hommages, les bien sympathiques souvenirs de ma femme ! C. de Gaulle. »

 

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Nous joignons le brouillon de la lettre d’Yvonne Salmon envoyée au général de Gaulle le 8 novembre 1946, à laquelle ce dernier répond ici.

« Mon Général, Comme suite à ma lettre du 31 octobre et après la publication de la lettre que vous avez adressée à M. Vendroux, je crois devoir vous écrire avant le scrutin de dimanche. C’est avec grande difficulté que depuis deux mois j’ai pris part à la lutte politique et souvent j’ai pensé à rentrer dans la solitude et m’abstenir. Je ne m’y suis pas cru autorisée ; j’ai donc cherché quoi faire. J’ai étudié les rangs dans lesquels on pouvait se mettre et j’ai trouvé que le M.R.P. offrait seul des possibilités. Cela tout en gardant mon droit de voter non à la constitution dont vous aviez nettement montré les défauts.

Les électeurs du M.R.P. en grande, très grande majorité vous sont fidèles ; ils aiment encore la liberté et revendiqueront au prochain congrès du parti une attitude plus démocratique ; c’est pour les y encourager, les y aider que je suis restée parmi eux. N’ayant pas d’autres voie à suivre, ne pouvant plus rien faire dans la propagande à l’étranger, car j’ai été évincée du Conseil de l’Alliance Française pour des subterfuges communs aujourd’hui, je pense que je puis encore être utile en entretenant l’espoir dans certains humbles électeurs qui ne savent pas comment agir ; mais je ne suis naturellement pas satisfaite des évènements.

J’espère que vous voudrez bien m’excuser de cette explication que j’ai cru nécessaire ; et surtout permettez-moi de vous dire que si vous voulez bien m’assigner une activité où je puisse être utile et où je puisse voir clair dans cette détresse qui étreint notre pauvre pays, je suis absolument à votre disposition. Veuillez croire, mon Général, à mon entier dévouement. Yvonne Salmon. »

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Yvonne Salmon (1885-1965), infirmière aux armées durant la Grande Guerre, puis professeure de civilisation française à l’université de Reading, offrit ses services au général de Gaulle au lendemain de l’appel du 18 juin. Active propagandiste de la France libre à travers l’Alliance française, elle donna d’innombrables conférences et publia en 1943, à Londres, la première biographie du chef de la France libre intitulée « Le général de Gaulle », qui sera rééditée à Alger en 1945 et à Paris en 2010. Après la guerre, elle demeura une gaulliste convaincue.

 

 

 

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