Camille PISSARRO (1830.1903)

Lettre autographe signée à Claude Monet.

Trois pages in-8°.

Éragny-sur-Epte. Sans date [fin décembre 1884 ou début janvier 1885]

« La lettre écrite au banquet Manet est conçue de telle sorte que je m’abstiens d’en faire partie. »

Remarquable lettre de Pissarro à Monet évoquant la publication de A Rebours par Huysmans, la mort du frère d’Edouard Manet, Gustave, et le banquet prévu en hommage à leur défunt ami Edouard Manet. Magnifique témoignage de l’amitié qui lia ces deux maîtres de l’impressionnisme.

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« Mon cher Monet, Je serai à Paris vers le 5 janvier, j’espère que nous nous y verrons, car je suppose que le dîner aura lieu le 7 ou le 8 [le banquet Manet se tint le 5 janvier 1885], en cas de changement d’idée je le saurai.

Je vous ai expédié le livre de Huysmans [Huysmans venait de faire paraître son chef-d’œuvre A rebours], je comptais vous écrire tous les jours mais j’ai eu tellement à faire ici. Avez-vous reçu avis de la mort de Gustave Manet ? Bien certainement … pas de chance, la famille, voilà un nom qui ne sera perpétué que par les œuvres du maître [Edouard Manet], la descendance faisant défaut jusqu’à présent.

Vous serez bien aimable mon cher Monet de vouloir bien présenter de ma part et de celle de Lucien tous nos respects à madame Hoschedé et sa famille, dans ma dernière lettre j’étais tellement surpris et si pressé par la poste que j’ai eu la grossièreté d’omettre quelques lignes de remerciements à madame Hoschedé pour la remercier de son aimable réception. Serais-je pardonné ? à bientôt mon cher Monet. Je vous serre les mains et vous souhaite ainsi qu’à vos enfants une bonne année. C. Pissarro.

 NB. J’oubliais. La lettre écrite au banquet Manet est conçue de telle sorte que je m’abstiens d’en faire partie.

 

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Le banquet Manet se tint (à l’initiative d’Antonin Proust) le 5 janvier 1885, chez le père Lathuile – haut lieu des réunions impressionnistes célébré par Manet dans son œuvre de 1879 : Chez le père Lathuile, pour célébrer l’anniversaire de l’exposition Manet à l’École des Beaux-Arts et rendre hommage au maître décédé le 30 avril 1883.

 

Paul Alexis Trublot publia ces quelques lignes dans le Cri du Peuple, le 8 janvier, semblant confirmer la présence de Pissarro : « Donc, nous étions cent trente. — On a dit cent cinquante, même deux cents ; mais il ne faut rien exagérer : nous étions cent trente. — Ce qu’il y avait de mieux, dans le dîner, c’était le menu, parce que ce menu était offert à chaque invité, avec une eau forte, reproduisant Chez le Père Lathuile, l’un des plus vivants tableaux d’Edouard Manet. L’immense table en fer à cheval présent tait un joli coup d’œil : mais on se sentait par trop les coudes. Les noms ? Faut-il vous les dire ? La barbe et les cheveux plus courts, un peu vieilli, M. Antonin Proust était assis entre MM. Zola et Fantin-Latour. Le sympathique M Leenhoff, le jeune beau-frère que Manet aimait comme un fils, lui faisait vis-à-vis. Puis pêle-mêle, des confrères et des peintres.Ces derniers pouvaient le diviser en deux groupes : d’une part, « les impressionnistes » au grand complet : MM. Monet, Degas, Pissarro, Renoir, Caillebotte, Raffaëlli, puis un grand nombre de ceux que j’appellerai « les opportunistes de la peinture ». — MM. Gervex, Roll, Cazin et Gœnœutte, par exemple — c’est-à-dire des souples, des habiles, qui, influencés par Manet, font du modernisme sans doute, mais sans rompre avec l’école … »

 

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