Charles BAUDELAIRE (1821.1867)

Lettre autographe signée à Auguste Poulet Malassis.

Une page in-8° sur papier bleu.

Adresse autographe sur le 4e feuillet, également signée du paraphe de Baudelaire.

[Paris – 2 mai 1860]

 

« Or maintenant, je ne blague pas : une terreur me prend. »

Baudelaire reprend sans cesse son travail sur Les Paradis artificiels.

 

« Après que le garçon de l’hôtel [Hôtel de Dieppe] a mis ma lettre à la poste, il m’a pris une envie de relire encore, et bien m’en a pris ; j’ai enlevé un contresens. M’avez-vous attendu ? Or maintenant, je ne blague pas : une terreur me prend relativement à la note pharmaceutique de la fin. Réfléchissez y bien. Il suffit de la malveillance d’un méchant bougre, dans quelque sale journal, pour nous créer un embarras. Je pense à la tireuse de cartes qui m’avait prédit que j’allais rencontrer une fille très grande, très mince, très brune, âgée de … or je l’ai rencontrée. Vous connaissez son autre prédiction. CB. Il est encore temps. La dédicace c’est J.G.F. Préparez donc Christophe à ma visite. »

 

 

La veille de cette lettre, Baudelaire avait envoyé à Poulet Malassis la onzième feuille corrigée des Paradis artificiels. Il craint ici que celle-ci ne soit déjà tirée avec le contresens par lui découvert.

La tireuse de carte évoquée dans cette lettre peut être – selon les rédacteurs de La Pléiade – Mlle Lenormant, célèbre phythonisse que Baudelaire avait vue une fois au moins, ainsi qu’il l’avait confié à Ste Beuve en janvier 1862.

La dédicace « à J. G. F. » apparait à deux reprises dans l’œuvre de Baudelaire : la première fois en tête des Paradis artificiels ; la deuxième fois dans l’édition de 1861 des Fleurs du Mal, où est adressée à cette mystérieuse personne le poème intitulé L’Héautontimorouménos. À qui renvoient ces initiales, qui ont, jusqu’ici, conservé leur secret ?

Le nom de Juliette Gex-Fagon fut avancé, mais sans cependant apporter la moindre preuve des liens que le poète aurait noués avec cette Juliette, dont la trace, au demeurant, n’a jamais pu être retrouvée. En 1972, dans Baudelaire, les poisons et l’inconnu, Christian Moncel suggéra que «J.G.F.» désignait une femme imaginaire : l’hypothèse ne s’accorde pourtant guère avec le ton de la lettre-préface des Paradis artificiels.

Ces lignes de 1860, précisément, semblent faire allusion à Jeanne Duval, qui fut frappée d’hémiplégie en 1859 et que Baudelaire soigna pendant trois ans. Mais si la jeune femme est bien la «chère amie» évoquée en tête du recueil des Paradis artificiels — et il ne paraît guère possible d’en douter —, pourquoi alors Baudelaire a-t-il choisi de la désigner par des initiales qui ne correspondent à aucun des différents noms de Jeanne connus ?

 

Ancienne collection Daniel Sicklès.

 

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