André BRETON (1896.1966).

Lettre autographe signée à Joë Bousquet.

Une page ½ in-4° sur papier pelure. Enveloppe autographe timbrée et oblitérée.

[Paris]. 8 septembre 1934.

« Je me suis décidé à choisir pour vous les envoyer l’aquarelle de Kandinsky dont je vous parlais et une sanguine de Derain. »

Très belle lettre, amicale, entre ces deux hautes figures du mouvement surréaliste. Breton – qui quelques mois plus tôt avait expulsé Salvador Dalí du mouvement – évoque auprès de son ami la revue surréaliste Minotaure fondée par Albert Skira, le lancement de la revue Documents 34, et son désir de donner une suite à son principe exprimé dans Nadja « La Beauté sera convulsive ou ne sera pas. »

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« Mon cher Ami, Très scandaleusement je me suis éloigné de Paris sans vous avoir adressé ce que vous attendiez peut-être et que je mets seulement à la poste aujourd’hui. Je vous en demande pardon mais j’étais, je vous l’ai dit, exténué et de plus je comptais passer au bord de l’eau trois ou quatre jours, pas davantage. Plus révoltant encore est que je ne vous ai pas écrit plus tôt, dit tout le plaisir que m’avait causé votre lettre, tout à fait en dehors même du service inappréciable que vous me rendiez.

 Cette lettre je l’ai lue pourtant avec attention et parfois avec trouble, comme bien d’autres choses que vous avez écrites et en tout dernier lieu votre admirable réponse à l’enquête de « Minotaure ». Si vous le permettez je ferai d’ailleurs usage de votre communication au sujet de cet assez effrayant, maintenant, loup de métal.

Je compte, en effet, donner une assez longue suite à « La beauté sera convulsive » et à « l’Équation » de « Documents 34 », en raison des très singuliers évènements qui ont rempli pour moi ces derniers mois et ont eu notamment pour conséquence mon mariage.

Je pense que vous y prendrez quelque intérêt, car cela touche à ce que nous avons sans doute de plus en commun, qui est aussi (quoique parfois, je le comprends fort bien, vous paraissiez le mettre en doute) ce à quoi je tiens le plus lorsque je me considère avec quelque rigueur.

Je me suis décidé à choisir pour vous les envoyer l’aquarelle de Kandinsky dont je vous parlais et une sanguine de Derain que j’aime beaucoup. Je pense que l’un de ces objets pourra être du goût des personnes que vous me désigniez et que vous aimerez conserver l’autre.

J’ai craint de vous encombrer avec une toile (de 40) de Picabia, d’exécution assez sauvage et, d’autre part les papillons de Max Ernst dont je vous avais parlé participaient jusqu’à un certain point de la technique du collage qui, me dites-vous, eût auprès de vos amis fait inutilement sensation.

Vous me ferez grand plaisir en me disant si je ne me suis pas trompé de la sorte : il vous suffirait de toutes manières de m’exprimer un regret quelconque pour que je vous fasse parvenir quelque chose qui vous paraisse plus désirable. Mon cher Ami, je vous remercie encore de tout cœur. Écrivez-moi, je vous prie, de temps à autre. Croyez à mon plus affectueux dévouement. André Breton. »

 

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En juillet 1934, fut lancée à Bruxelles la première publication de la revue Documents 34 consacré au surréalisme.  Cette publication figurait un dialogue entre Yves Tanguy et Breton : « B. Qu’est-ce que ta peinture ? T. C’est une petite fumée blanche. B. Qu’est-ce que la Bretagne ? T. C’est un fruit mangé par les guêpes. B. Qu’est-ce que tu préfères ? T. C’est un reflet sur l’eau. B. Qu’est-ce que l’amour physique ? T. C’est la moitié du plaisir. B. Qu’est-ce que la vieillesse ? T. C’est un lâche. »

 

 

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