Jacques-Germain SOUFFLOT (1713-1780)

Architecte français et contrôleur des Bâtiments du Roi.

Lettre autographe signée au marquis de Marigny.

Mention manuscrite en tête de Marigny : R[épondu] le 2 février 1767.

Une page in folio. Cachet de cire en coin supérieur gauche.

Paris, le 2 février 1767

Des problèmes de chauffage du marquis de Mirabeau à l’organisation de la vente aux enchères de la collection Julienne dans le Salon carré du Louvre : l’architecte Soufflot rend compte de ses missions au surintendant des Bâtiments du roi.

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« Monsieur, Vous m’avez fait l’honeur de m’adresser de Menars une lettre de M. de Mirabeau que j’ay reçue il y a huit à dix jours. Il seroit à souhaitter que les persones qui vous font des demandes voulussent bien informer les inspecteurs ou le contrôleur des détails. J’ay été encor avant-hier matin au Luxembourg sans trouver M. de Mirabeau ; j’en connoissois l’objet mais il m’a mis plus au fait, par une lettre qu’il me fit l’honeur de m’écrire hier, de ce que je désirois savoir ; je n’apperçois point, Monsieur, d’inconvénient dans la position de son poêle, pour les voisins. Il y en auroit peut-être pour l’intérieur mais il paroit disposé à avoir les soins nécessaires pour y parer ou à changer son arrangement, si un autre estoit plus convenable.

Je ne trouvay pas non plus M. de Montullé : mais il m’est venu voir ce matin, et suivant l’explication qu’il m’a faite de ses intentions à l’égard du sallon où il vous demande à faire la vente du cabinet de M. de Julienne, je n’y vois point d’inconvénient parce qu’elle sera finie avant le mois d’aoust. Il n’y en aura point à l’égard de la permission que vous avez donné au Sr Fregel [?] parce que tout sera débarassé avant la fin de février. Je lui ay même dit aujourduy d’aller trouver M. de Montullé pour s’entendre avec luy de la clôture. Il y a quelques réparations à faire aux carelages et aux vitraux. J’ay dit à M. Brebion d’en faire un état. Je vois que M. de Montullé ne s’épargnera pas à les faire. Je suis avec respect Monsieur Votre très humble et très obéissant serviteur Paris le 2 février 1767. Soufflot. »

 

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Frère cadet de la toute puissante marquise de Pompadour, Abel-François Poisson de Vandières, marquis de Marigny et de Ménars (1727-1781) doit à la protection de sa sœur carrière et fortune. Sa nomination au poste de directeur général des Bâtiments en 1751 lui assura un pouvoir considérable. Sous son administration, Paris connut une véritable fièvre de construction : l’École militaire, l’École de Chirurgie, de nombreux théâtres ou l’aménagement de la place de la Concorde. Il ouvrit au Luxembourg le premier musée de France et défendit avec vigueur les canons nouveaux du néoclassicisme. C’est lui qui chargea Soufflot de bâtir sur la montagne Sainte-Geneviève la nouvelle église de Paris devenue depuis le Panthéon.

Victor Riquetti de Mirabeau (1715.1789) occupait avec sa famille un appartement au Palais-Luxembourg. Profitant de l’administration des Bâtiments, Mirabeau n’hésita pas à demander plusieurs fois des travaux pour améliorer son confort. Soufflot, en tant que contrôleur des Bâtiments du Roi, supervisait ainsi tous les travaux nécessaires aux demeures appartenant à la couronne.

La seconde partie de la lettre concerne une des ventes aux enchères les plus importantes du XVIIIe siècle. Celle des collections de Jean de Jullienne (1686-1766) directeur de la Teinturerie des Gobelins mais avant tout amateur d’art, mécène et collectionneur éclairé. Ami et protecteur d’Antoine Watteau dont il possédait quelques quarante tableaux et quatre-cents dessins, généreux donateurs à l’Académie royale de peinture et de sculpture, il réunit en son temps la plus exceptionnelle collection de tableaux, dessins, mobilier et objets d’art, notamment des pièces majeures d’André-Charles Boulle et les plus belles laques du Japon.

Jean-Baptiste-François de Montullé (1721–1787) obtint, comme nous le confirme cette lettre, la permission de faire vendre la prodigieuse collection de Jean de Jullienne au Louvre ; plus précisément dans le Salon Carré, au bout de la Grande Galerie où avait lieu les Salons de l’Académie Royale. Ce salon était généralement organisé vers le 25 août, date de la Saint-Louis, et l’on comprend alors pourquoi Soufflot dans la lettre affirme qu’avant ce mois « tout sera débarrassé ».

Soufflot prévoit les réparations et l’entretien nécessaire à réaliser au Grand Salon du Louvre et charge Maximilien Brébion (1716.1797), son principal collaborateur, de s’en occuper. Ce dernier achèvera le chantier du Panthéon à la mort de Soufflot en 1780.

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. Soufflot. Sa vie, son œuvre – Son esthétique. Jean Mondain-Monval. Lemerre. 1918.

. La comtesse de Rochefort et ses amis. Louis de Loménie. M. Lévy. 1870.

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