Mohandas Karamchand, le Mahatma GANDHI (1869.1948)

Lettre autographe signée à son ami Hermann Kallenbach.

Trois pages in-8° en anglais, au verso d’un papier à en-tête de Johannesburg.

Ahmedabad. 20 mai [1916]

 

“No man can beforehand stipulate about his future conduct.”

Le père de la nation indienne conte à son fidèle ami la vie quotidienne de son ashram.

 

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«From M.K. Gandhi. My dear friend, your letters have become most irregular & so I imagine have mine become. Sometimes I get two at a time. I hope the parcels have been safely delivered to you. They contain your clothing biscuits & cut brushing sticks. I wish your opinion on the biscuits. They were turned not alright so far as I could judge.

You will be pained to hear that Maganbhai is leaving the Ashram. Next to Maganlal he was the strongest man. Indeed, Mrs Gandhi thought that Maganbhai was the stronger of the two. Maganbhai is leaving as he frankly tells me that he can no longer observe the right rule of the Ashram. He wants to go out into the world and have a taste of it. His remaining in the Ashram can now make of him only a hypocrite. He will be leaving in a day or two. So it may come so (?) what I said might and I may be left all by myself. Just now Maganlal seems to be strong like a lion. But so did Maganbhai. No man can beforehand stipulate about his future conduct. Peter thought he would not wince but even so great as he did though with him the shock was momentary.

Harilal’s wife is again with me. She is leaving in a few days to join her husband at Calcutta. I described to you Navansang & Bela’s small girl. They are now quite alright. The handlooms are making very good progress. I hope to send you some new cloth. With love from us all. Yours ever old friend. »

 

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 Transcription française :

« De M.K. Gandhi. Mon cher ami, vos lettres sont devenues très irrégulières & j’imagine que les miennes le sont aussi. Parfois, j’en reçois deux à la fois. J’espère que les colis vous ont bien été livrés. Ils contiennent vos biscuits, vêtements et brosses à cheveux. J’aimerais avoir votre avis sur les biscuits. Pour autant que je puisse en juger, ils n’étaient pas très bons.

Vous serez peiné d’apprendre que Maganbhai quitte l’ashram. Après Maganlal, c’était l’homme le plus fort. En effet, Mme Gandhi pensait que Maganbhai était le plus fort des deux. Maganbhai part car il me dit franchement qu’il ne peut plus observer les règles de l’ashram. Il veut découvrir le monde et en découvrir la saveur. En restant dans l’ashram, il ne peut plus être qu’un hypocrite. Il va partir dans un jour ou deux. Il se peut donc que ce que j’ai dit se produise et que je me retrouve tout seul. En ce moment Maganlal semble être fort comme un lion. Mais c’était le cas de Maganbhai aussi. Aucun homme ne peut stipuler à l’avance sa conduite future. Peter pensait qu’il ne grimacerait pas, mais même s’il a grimacé, le choc a été momentané. 

La femme de Harilal est à nouveau avec moi. Elle part dans quelques jours pour rejoindre son mari à Calcutta. Je vous ai parlé de la petite fille de Navansang et de Bela. Ils vont maintenant très bien. Les métiers à main font de très bons progrès. J’espère pouvoir vous envoyer de nouveaux tissus. Avec notre amour à tous. A toi, toujours, ton vieil ami. »

 

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Le document ici présenté permet d’évoquer le lient fort et trouble entre « La Grande Âme » et Hermann Kallenbach, architecte juif-allemand. Les deux hommes se rencontrent en Afrique du Sud en 1904.

Après de longues discussions sur la religion, sur le concept de Satyagraha (non-violence et désobéissance civile) les deux hommes se lient d’une amitié complète. Leurs liens sont considérés aujourd’hui par les biographes et exégètes de Gandhi comme une homosexualité platonique.

Selon Gandhi lui-même, les deux hommes se considéraient comme « âmes sœurs » ; ils vécurent ensemble, près de Johannesburg, au sein de la Satyagraha House dessinée par Kallenbach et baptisée « le Kraal ». Ils y partagent alors une vie d’ascèse, puis s’installent à la « Ferme Tolstoï », isolée à 35 km de la ville, qui deviendra le camp de base de la communauté Satyagrahi, jusqu’à l’aboutissement victorieux de leur lutte en 1913.

Un an plus tard, Gandhi quitte le pays pour rejoindre à jamais l’Inde. Les deux amis ne se reverront pas mais entretiendront une correspondance soutenue et régulière.

Dans cette lettre Gandhi fait part à son protecteur de ses difficultés à préserver l’ashram. Il évoque le départ de son fidèle Maganbhai dans des propos empreints de justice et du refus catégorique du mensonge qui caractérisent sa doctrine. Il le compare à Maganlal Khushalchand Gandhi (1883–1928) son suiveur le plus fidèle. Maganlal était un cousin de Gandhi.

En juillet 2012, le gouvernement indien a fait l’acquisition de quelques mille lettres reçues par Hermann Kallenbach de la part de Gandhi. Cette lettre est donc l’une des rares reliques de cette correspondance encore en main privées.

 

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